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Maeva CLEMARON

crédit photo iconsport

https://www.instagram.com/maevaclemaron/

La coupe du monde de football féminine tant attendue surtout pour nous les Français car elle est organisée pour la première fois à domicile. Un rendez-vous qui s’annonce riche en émotions.  Un évènement qui j’espère permettra au football féminin d’évoluer encore plus.

A quelques jours du coup d’envoi de la coupe du monde, j’ai l’immense plaisir de vous présenter l’une des 23 joueuses sélectionnées par Corine Diacre Maéva Clémaron, une jeune femme au parcours atypique qui exerce le métier d’architecte en parallèle de sa carrière de joueuse professionnelle.

Maéva est née le 10 novembre 1992 à Vienne en Isère. Elle joue actuellement pour le Football Club Fleury 91 Cœur d’Essonne où elle évolue au poste de milieu de terrain et elle compte 3 sélections en équipe de France A.

J’ai eu l’occasion de côtoyer Maéva, jeune femme pleine de vie et qui sait déjà ce qu’elle veut. C’est une personne simple, humble, sympathique, respectueuse et qui a des valeurs. Elle a eu la gentillesse de soutenir mon projet Sport et Femme afin de supporter et encourager toutes les jeunes filles et femmes à se lancer dans le sport et les métiers du sport. Un grand merci à elle.

Interview réalisé après le match Fleury – Bordeaux le 10 mars 2019

Maéva, peux-tu me parler de ton parcours et comment tu t’es orientée vers le football ?

Etant petite, je jouais au football avec les garçons dans la cour de récré. Je n’étais pas le genre de petite fille qui aimait jouer à la marelle etc.., bien que cela aurait pu être le cas en jouant au football aussi, l’un n’aurait pas empêché l’autre mais je préférai jouer au football dans la cour.
J’ai commencé par le judo mais je n’ai pas trop accroché. Jouant régulièrement avec mes potes, ils m’ont orientée vers ce sport. Mes potes m’ont poussée à prendre une licence et c’est comme ça que j’ai commencé le football en club.

Mon père a toujours été très footeux, il a joué pendant longtemps et cela m’a motivée car il m’a toujours suivie et poussée vers cette voie.
Au niveau de mon parcours scolaire, j’ai suivi un cursus normal, primaire, collège. J’ai joué au football en club avec les garçons jusqu’en moins de 13 ans. Ensuite j’ai intégré le sport étude de Lyon à l’Olympique Lyonnais pour ma première année chez les filles car je ne pouvais plus jouer avec les garçons. A l’OL j’ai intégré une classe de seconde. Ensuite, je suis partie à Saint Etienne car il y avait un projet intéressant sur l’aspect football et scolaire. Là-bas, j’ai intégré une filière scientifique en première car j’avais l’idée d’aller en école d’architecture parce que j’ai toujours aimé dessiner et un peu naïvement, j’ai choisi l’architecture. Ensuite je suis partie en filière S car on m’avait dit qu’il fallait passer par là alors que pour intégrer une école d’architecture, on pouvait très bien passer n’importe quel bac général.
Enfin, j’ai fait mon école d’architecture à Saint Etienne en parallèle du football en jouant à L’ASSE.

En tant que femme, que penses-tu apporter au football ?

En tant que femme, j’essaye de montrer que les valeurs de ce sport sont les mêmes : la motivation et l’état d’esprit sont les mêmes. Que finalement le football peut être nourri autant par un homme que par une femme.
De mon côté, je ne me suis jamais orientée dans les métiers du sport tels que les diplômes de coach. J’ai beaucoup de respect pour toutes les filles qui jouent au football et qui se dirigent vers ces métiers afin de faire profiter de leur expérience de sportive auprès des plus jeunes « les petites filles ou les petits gars ».
J’essaie d’apporter ma mentalité à tous ceux qui observent le football féminin pour qu’ils se disent que le football féminin (même si pour moi, il n’y a pas de football féminin) car ça reste du football. Comme ça toutes les personnes qui sont réticentes, se diront que finalement, tout le monde a sa place dans ce sport.

Quel est le quotidien d’une joueuse professionnelle ?

Dans mon quotidien, je suis plutôt quelqu’un de simple, j’aime faire des choses simples hors foot ; après c’est vrai que de façon générale, on a entrainement quasiment tous les jours, sachant qu’il y a deux jours dans la semaine où à Fleury on « double » car le matin on a musculation et l’après-midi on s’entraine. Ensuite le vendredi souvent on part en déplacement, une semaine sur deux et le samedi on a match. Le dimanche est un jour off, donc on en profite pour récupérer.
Moi j’aime bien de façon générale quand j’ai du temps pour faire des choses simples c’est-à-dire bouger avec mes amis, découvrir des nouvelles choses, des endroits comme Paris et ses musées. J’aime sillonner des coins sympathiques où on peut faire un peu de photos, je n’en fais pas assez, parce que j’ai foot tout le temps. C’est compliqué de se dégager du temps pour beaucoup d’autres choses qui nous intéressent même si on essaie quand même de le faire au maximum. Ce n’est pas une remarque négative, je suis ravie d’avoir la chance aujourd’hui de pouvoir jouer au football en exerçant en parallèle mon métier d’architecte. Je ne me plaindrai absolument pas car pour moi c’est une chance de pouvoir pratiquer ces deux métiers qui me passionnent.

Maéva, comment souhaiterais-tu que le football féminin évolue ? et comment penses-tu que le football féminin va évoluer ?

Moi j’aimerai bien que le football féminin continue d’évoluer comme il est en train de le faire tout simplement, parce qu’actuellement, il est en plein essor. On le voit bien, il y a de plus en plus de petites filles qui s’inscrivent et de plus en plus de personnes qui suivent le football féminin. On peut voir aussi un grand nombre de personnes qui pouvaient être réticentes par rapport à cette discipline pour les femmes qui évolue, qui change de mentalité donc c’est positif.
J’aimerai vraiment que ça continue et je pense qu’il n’y a pas de raison pour que ça ne continue pas d’évoluer. Il faut que les femmes, les jeunes femmes, les petites filles ne se posent plus de questions, si elles ont envie de pratiquer ce sport, qu’elles foncent. Il faut qu’elles se disent qu’elles ont pleinement leur place et le droit d’exercer cette discipline.
Il est aussi important que les personnes qui encadrent le football soient aussi de plus en plus des femmes et qu’il y ait aussi de plus en plus d’hommes qui aient une mentalité qui soit celle qu’on doit avoir en 2019, c’est-à-dire l’ouverture d’esprit qui laisse place à tout le monde, qui admet et reconnait que cette discipline peut être aussi pratiquée par des femmes.
Je pense qu’il ne faut pas comparer et il n’y a même pas à comparer, juste se dire que c’est un seul football.
On doit prendre conscience que le fait que ce soit pratiqué par les femmes, on ne pourra jamais avoir la même attente que lorsqu’on regarde un match joué par des hommes. Ce que je veux dire, c’est que sur certains plans on peut avoir la même attente, mais sur des plans athlétiques, ce sont des choses qu’on ne pourra jamais chercher à comparer car pour moi on ne sera jamais l’égale d’un homme physiquement, physiologiquement parlant. Lorsque les gens prendront conscience de ça, et bien il n’y aura même plus de questions à se poser. C’est quelque chose qui doit devenir en fait fluide et qui devrait, je pense à terme, sembler logique même si ça commence à être le cas aujourd’hui pour bon nombre de personne.
Petite remarque personnelle au niveau du championnat D1 en France, je souhaite et j’aimerai vraiment que ce championnat évolue, c’est à dire qu’il y ait plus de structures professionnalisées ; c’est déjà le cas pour certains clubs, mais il faut que ce soit à mon sens pour les 12 équipes qui composent le championnat et plus si à terme, il y a plus d’équipes.

D’après toi, quelles sont les qualités nécessaires pour être une bonne sportive de haut niveau ?

Je pense que c’est beaucoup de rigueur dans son travail au quotidien, de toujours essayer de se surpasser, toujours aller chercher une progression et pour ça, il faut savoir se remettre en question. De mon côté, je pars du principe que si on a plus à se remettre en question, c’est qu’on considère qu’on ne veut plus progresser.
Je pense que la remise en question va avec la progression, il y a toujours des axes d’amélioration à travailler pour n’importe quelle joueuse même pour la meilleure joueuse du monde car pour moi elle aura toujours des petits détails où des points sur lesquels il faudra qu’elle continue de travailler.
A un peu plus bas niveau, par exemple le mien « je ne suis pas la meilleure joueuse du monde » donc j’aurai aussi beaucoup de remise en question.

Parfois, il faut aussi se satisfaire de certaines choses c’est sûr, mais ne pas oublier cette idée de remise en question surtout dans un groupe car dans un sport collectif, c’est important parce que si chacune le fait, alors l’équipe sera que meilleure et le groupe sera que plus performant.
Après les qualités, je pense que l’essentiel, en tout cas pour moi, c’est qu’il faut rester humble et quoi qu’il arrive, il faut toujours garder les pieds sur terre ; lorsqu’on regarde les carrières des sportives ou sportifs qui sont bien plus importante que les nôtres, finalement, on peut se satisfaire de certaines choses mais ne pas croire qu’on est arrivé. Même ceux qui ont une grande carrière ne considèrent pas forcément qu’ils sont arrivés donc il n’y a pas de raison que nous, en tout cas moi, je me considère d’être arrivée donc il faut rester humble.
Je pense aussi qu’il faut être persévérant, avoir une force mentale, avoir le gout de l’effort, ne jamais lâcher et avoir en tête ses objectifs. Il faut aussi accepter l’échec car cela fait partie du jeu mais ce qui compte, c’est d’avoir toujours cette volonté de travailler et de ne pas lâcher. On a le droit de ne pas y arriver, on a le droit de ne pas avoir les qualités pour réussir certaines choses mais il faut essayer de se faire mal avant de considérer qu’on n’y est pas arrivé. Je pense que si on se fait mal, on arrivera à avoir un bon physique afin d’atteindre certains objectifs.
Dans un sport collectif, c’est important d’avoir le goût de l’effort pour soi mais aussi pour l’autre c’est-à-dire pour ses coéquipières et coéquipiers.

En tant que sportive Professionnelle, penses-tu qu’on peut en vivre ?

Oui, je pense qu’on peut en vivre, aujourd’hui j’ai la chance de vivre du football et ce n’est pas quelque chose que j’avais imaginé il y a quelques années, donc aujourd’hui je suis un bon exemple pour montrer qu’effectivement on peut vivre de ce sport.
Cependant en vivre à vie, je ne pense pas qu’on puisse, en tout cas pas aujourd’hui, il y a très peu de joueuses qui en vivent. Après c’est quelque chose que je souhaite d’ici quelques années aux futures joueuses professionnelles qu’il y aura dans le monde. C’est pour ça que j’ai construit ce double projet d’étude en parallèle du football. Je pense qu’il est important d’assurer ses arrières quoi qu’il arrive en faisant des études ou en tout cas, en ayant un métier qui nous plait pour anticiper l’après carrière.

Pour finir Maéva, que dirais-tu à des jeunes filles qui souhaiteraient s’orienter vers ces métiers ?

Je pense qu’il faut les encourager à s’orienter là-dedans. Maintenant aujourd’hui on est un peu dans un entre deux, je pense que le football féminin permet de plus en plus aux joueuses d’en vivre ou de gagner un peu d’argent. Mais je pense qu’il est quand même nécessaire d’avoir un minimum de bagages scolaires avant de signer son premier contrat professionnel. Ce que je veux dire c’est avoir un minimum de diplôme permettra d’exercer un métier après ou un début dans un métier, ainsi, s’il reste une formation à faire après ou quelques années à faire après sa carrière sportive ce sera plus aisé pour avoir le métier qu’on souhaite. Il faut avoir une base avant de se dire « je veux être professionnelle et ne faire que ça tous les jours ». C’est ma façon de voir les choses parce que si j’ai eu ce parcours c’est parce que j’ai fait ce choix du double projet études supérieures et football.
Maintenant, il peut arriver que certaines joueuses n’aient pas forcement ces possibilités de diplôme qui se présentent à elles et qu’il y ait une proposition de devenir directement joueuse professionnelle, dans ce cas-là il faut bien réfléchir. Mais moi je pense qu’il est important de ne pas s’emballer et de pas tout de suite se dire « je n’ai aucun diplôme, pas de base donc ce n’est pas grave car je veux être footballeuse professionnelle ».
Je pense que c’est primordial aussi que les jeunes filles se rendent compte que c’est important d’avoir un minimum de bagage scolaire parce qu’on ne sait jamais ce qui peut nous arriver dans une carrière, une blessure ou même ne pas signer de contrat professionnel. C’est important psychologiquement d’avoir certains diplômes ou quelque chose de scolairement parlant avec soi avant d’être joueuse de football professionnelle. Sinon j’encourage toutes les jeunes filles à se lancer dans le football